Blog de djP

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Récit de nos cours chez Schirren

 

 

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Comment nous sommes-nous retrouvés au cours de Schirren?

 

Ça se passe en 1991 alors que j'en suis à quelques mois de le fin de mes 6 années d'études à La Cambre. Je suis déjà à l'époque passionné par la pratique de la musique comme autodidacte et multi-instrumentiste depuis +/- 6 ans sans jamais n'avoir suivi de cours ni formation ou stage dans ce domaine.
Un ami avait entamé des cours de piano à l'école Lilian Lambert avec un certain Schirren depuis quelques mois quand il a appris que faute d'élèves inscrits, le cours de rythme de son prof serait supprimé pour le cycle à venir. Comme nous étions avec lui à l'époque un groupe de futurs anciens étudiants réunis pour la plupart en travailleurs sur chantier pour un temps et que de plus, nous avions pour nos poses et divertissements l'habitude de jouer ensembles des percussions, nous avons tous (Phillipe, Fafa, Jojo, Lolo, Ivan, Alex, Christophe, Béa l'unique fille motivée et moi) directement sautés sur l'occasion pour s'inscrire chez Schirren, n'ayant aucune idée du personnage. Phillipe avait quelque peu peiné pour tenter de nous expliquer que comment dire? ce n'était pas un cours très rock'n'roll ni exotique, sans congas ni djembe (à l'époque nous scrutions de loin les cours de Mamadi Keita) ... que c'était "Classique" mais pas conventionnel, plutôt "Classique Barré"... La musique n'était pas forcément le point qui nous liait, selon ce pouvait être les Arts-Plastiques mais dans l'ensemble nous étions tout sauf Classiques! Sur les 9 du premier cours, 3 n'avaient aucune pratique de la musique ou des rythmes et percussions hormis à quelques occasions pour participer aux élans des 6 autres. Parallèlement à nos cours de rythmes, nous avions formés un embryon de groupe sans nom mais avec un petit répertoire et assurés quelques animations de fêtes de quartier ou à la Roseraie mais avons plutôt étés spécialisés dans les "off"

 

pqs-90s

 


Premiers cours


Schirren étant un personnage vraiment très très authentique, on accroche tous dès les premières minutes, même si on se contente d'apprendre à tenir ses baguettes et à se ramollir sans presque jouer de coups sur les tambours apprêtés devant nous. Tous accrochent mais pas toutes, il faut dire que le discours Schirrénéen semblait à ce moment (peu de temps après son divorce qui l'avait peut-être plus aigri qu'on l'eut pû supputer) ne pas s'accorder avec la sensibilité féminine, à vrai dire, quand on discutait du contenu à portée philosophique de nos cours hors-contexte, les filles d'une façon quasi-unanime viraient exaspérées et irritables. J'ose croire que ses innombrables anciennes élèves à l'époque l'avaient connu sous un autre jour. La seule présence féminine au sein de notre cours a été fulgurante: elle trouvait ses propos insupportables ou insignifiants.

Il faut dire qu'il n'y allait pas avec le dos de la cuillère puisque pas loin de la base-de-tout on a trouvé:

 

masculin = vie / féminin = mort (qu'on peut aisément confondre avec homme = vie / femme = mort)

"Quelle est la loi de la terre? Pas celles des hommes, il y en a plein des lois des hommes, mais celle de la terre???" On est interrogé, personne ne dit le mot...
"Pesanteur". La pesanteur exige que la matière solide tende à se coller au sol, inerte, il en va ainsi de la loi de la terre (Il jette un truc au sol, parle de la tasse de café qui se brise ou pas, du liquide qui se répend, s'évapore, etc.) La vie est justement ce qui défie la pesanteur: depuis le germe sorti de la graine qui pointe vers le ciel et la plante qui en pousse, bafouant la loi bien que la subissant, en passant par les créatures marines dont le milieu favorable à une certaine légèreté a stimulé la mobilité, puis divers volatils ayant développés les membres adéquats, jusqu'aux mammifères montés sur pattes motrices et qui érigent des tours, lancent des montgolfières, avions et stations spatiales. Tout ce qui vît combat, montre qu'il résiste à l'écrasement.

S'il est une loi sur terre, elle s'applique pleinement à tout ce qui est mort et/ou dépourvu de vie. Le vivant par-contre est l'invétéré hors-la-loi, qui va contre, car c'est dans sa nature. Il est cependant soumis à certaines lois de la vie sur terre: le jour/la nuit, l'éveil/le sommeil, l'inspiration/l'expiration, etc: une bipolarité omniprésente et indispensable telle que ce combat contre la pesanteur ne peut être constant, le sommeil par exemple induit un état comparable à la mort, on y est offert à la pesanteur comme une pierre. Ce qu'on vît est une oscillation entre la vie et la mort, tantôt allant contre, tantôt avec. Et puisque on est ici pour parler de rythme, il y a en percussion avec les baguettes 2 sortes de coups:

Le coup BOUM..., "féminin": il tombe, c'est la mort! qui accepte la pesanteur...
Le coup ...Eh!, il va contre, c'est la vie! il est masculin!!!

C'est là que la sensibilité féminine tend à se sentir heurtée ...
Qu'aurait-il fallu pour satisfaire notre camaradE? intervertir? Changer: une fois l'un/l'une une fois l'autr(e)? Le fait est qu'entourée de 9 mâles qui n'y voient qu'un côté symbolique, il y a quand-même de quoi se faire une petite montée de paranoïa (ose-je imaginer).

Tout part donc de là: ...Eh ...Boum! vie/mort, mâle/femelle, "xy"/"xx", L'histoire de l'humanité et de la vie voire de la nature résumée en 2 interjections et qui s'illustre tout aussi bien par le départ de notre camarade-femme comme pour démontrer d'entrée de jeu l'aspect indéniable d'une dimension augmentée de son discours. L'énergie qui émanait en ce vieil homme s'exprimant par symboles et chevauchant quelque courant invisible en faisait un sage illuminé dont la réalité par l'exemple venait confirmer les propos. L'acceptation du fait que dans "le monde des coups sur le tambour" le coup masculin soit la vie et le coup féminin la mort, induit un climat "sacré" quasi "tribal", en toute cohérence sous le règne de la pesanteur, propice à faire circuler en soi les énergies mystérieuses qui régissent le rythme et habiteront le son produit par l'instrument, habiteront l'assemblée sensible à ce son.
 
Magie que la science se ferait une joie de démonter, de disséquer pour montrer que "ce n'est là que du pipeau". La juste dimension symbolique où se déroule le rythme de Schirren se joue de la rationalité scientifique qui opère dans une autre sphère. Schirren est proche du sacré de l'Afrique noire, de la magie de la transe où les esprits s'incarnent volontairement par le jeu théâtrale et la visualisation. Plus tard, il nous a démontré comment au temps où on croyait que la terre était plate, elle était "vraiment plate"! et sous une voûte étoilée, autant que pour nous aujourd'hui, la terre est "vraiment une boule" qui flotte dans l'infini. Mais dans le futur? s'il fallait à un moment découvrir que la planète et la matière sont des gazs plus ou moins denses, mélangés et dispersés, convertibles et au final anamorphes? On se dira que ceux et celles qui voyaient la planète Terre comme une boule n'avaient rien compris, de cette même façon identique dont on peu juger aujourd'hui les détracteurs de Copernic: leurs sens ne les trompaient pourtant pas mais ils n'avaient pas le recul "nécessaire". Une réalité avec ses vérités remplace l'autre et la nôtre n'est sans doute que passagère.




X-Y

Néanmoins, il semble facilement réfutable ou déniable à certain(e)s par un discours dit "scientifique", visant sans-doute à éviter tout déterminisme, que les spermatozoïdes soient porteurs d'un genre défini à la base, dès leur propre "conception" ce qui pourrait sembler infirmer la possibilité que ces spermatozoïdes aient des comportements et caractéristiques sexués tels que par exemple: la lenteur et la robustesse chez "x" féminin contre la rapidité et la faiblesse chez les "y" masculins, ils pourraient même, aux dire de certain/es, y avoir pour chacun l'ambivalence et un comportement individuel et propre dans un ensemble chaotique totalement aléatoire virant à un moment clairement pour une des 2 options... (Développer un argumentaire dans ce sens face à Schirren n'était, j'imagine, pas ce qui aurait pour autant fait plus vite progresser en rythme.)
Schirren envisageait ces mêmes spermatos sous un autre angle, non pas en matière de motricité et de résistance mais au niveau de leur "conscience", du sens qu'ils donnent à ce qu'ils sont entrain de vivre! Là c'est simple: les "x" sont dans l'univers du "même": ils (elles) sont "x" et ont pour but "X". L'œuf "X" et "x": le même. Par contre "y" a pour but "X" et là s'ouvre de façon binaire un univers de doutes et d'incertitudes, d'hypothèses, de hasard, la peur, la motivation, le courage, etc. "y" ne sait pas ce qu'il fait là, ne sait pas ce qu'il cherche dans un monde inconnu! alors que "x" ne se pose même pas la question et avance en toute immanence du "même", du "semblable".

 

 

Bien qu'il ne faille accorder qu'une valeur symbolique à cette personnification des spermatos, il ne s'agit pas de la voir comme un simple détail qu'on accepte à la légère pour ne pas gêner l'avancement du cours bien qu'en fait on désire avant tout prouver le contraire. Elle donne son sens à un développement dans le domaine du rythme, ainsi le conte qu'il nous présente n'a aucun intérêt a être contredit, aucun mal a être compris pour ce qu'il est.
Il s'agissait de concevoir cette classification sexuée en matière de coups portés au tambour et non pour incriminer le genre féminin. Malgré ce cadre, il avait fait le nécessaire pour confirmer de son vécu que les consciences "XX" et "XY" étaient en parfaite continuation de ce qui se dessinait au nano-monde des spermatos-pensants durant "La quête de l'œuf". Ainsi il nous relatait que le dialogue le plus représentatif entre l'Homme et la Femme consiste en:

La femme: "C'est simple: le plafond est là (en montrant le plafond) et le plancher est là (en montrant le plancher)

L'homme: "oui, hmmm, oui mais, y faut voir ... ça peut dépendre, je ne suis pas si sûr ..."

La femme: "Mais enfin regardes, c'est l'évidence même, comment oses-tu réfuter ça??? Elle re-montre: ..."

L'homme: "Je ne sais pas ... par exemple si tu vas à l'étage au-dessus ou en-dessous? ne faut-il pas dire la cave et le grenier? non! le sol et le toit, ou alors ça c'est du bois et ça c'est du plâtre ou ... ça dépend."

La femme: "Mais pourquoi tu te casses la tête? pourquoi ne sais-tu pas voir les choses simplement?

L'homme: "Je ne sais pas, je ne sais pas mais je suis sûr qu'il y a quelque-chose ... il y a quelque-chose ..."

Réminiscences de "x" et d'"y" dont nous serions indissociables bien qu'amenés à pouvoir en maîtriser des signes et apparences contraires. Il en allait ainsi de "Boum's" inexorables et de "Et's!" impulsifs, vivants une étrange relation dans la plus grande des complémentarité. Tout cela se déroule en passant par notre centre (en chacun/e) et il y a lieu de vivre ce mouvement intérieur avec la plus grande justesse, ce qui est quasi impossible si la remise en question de la base reste le crédo. Les rôles étaient donc là bien inversés: les hommes acceptants de considérer planchers et plafonds tels qu'indiqués et en toute simplicité, là où la femme s'était prise à refuser le dogme (en fait le doute comme " propre à l'homme"), à chercher les points pour le contredire et ce jusqu'à la rupture, rupture-objet vers lequel notra amie Trixi s'était avancée en toute certitude dès qu'elle a compris que le cours en question ne serait pas un simple divertissement mais qu'il avait soulevé en nous un intérêt à cultiver avec toute l'attention possible. 



Maman Papa

Au niveau dextérité, Schirren, le batteur, s'illustrait tout spécialement au roulement. On pouvait même finalement en déduire que c'était un de ses favoris et qu'il trouverait toujours la motivation suffisante pour une petite démonstration, moment où il semblait se bluffer un peu lui même. Le roulement est une succession de coups doubles "gauche gauche droite droite gauche gauche, etc." de force et de placement égale, qui apparaît comme un crépitement tellement ces coups peuvent être rapprochés et rapides. Ensuite, il décélère progressivement pour revenir à des coups doubles distincts puis lents. Ces coups doubles s'abordent au rythme idéal pour coller "maman papa" au lieu de "gauche gauche droite droite" (qui comme on peut le constater, prend beaucoup plus de lettres et s'articule, du point de vue phonétique, un peu péniblement à l'usure). "Maman papa", quoi de plus facile et de plus évident à prononcer puisque ce sont parmi nos premiers mots à quasi-tou/tes ?! De nombreuses percussions s'enseignent à travers le monde en utilisant, pour commencer, ces mots qui fonctionnent d'autant mieux avec les enfants (pour peu qu'il n'y ait pas de traumatisme de ce côté!).


Nos exercices visaient à démarrer lentement avec des mouvements amples et marqués et à accélérer petit-à-petit en réduisant le geste à sa plus infîme expression lorsqu'on entre finalement dans "le roulement". Autant dire que dans un premier temps, personne d'entre-nous, mis à part notre champion de Belgique en la matière, n'entrait "dans le roulement". Le moment où les débutants perdent les pédales est généralement "un moment de tension" et il s'agit de décélérer dès qu'on la sent venir. Nous commencions donc ensembles avec les coups et la voix de Schirren pour guide, dans une accélération finalement impossible à suivre verbalement, coïncidant avec le moment où notre ensemble virait à la réunion autistique, chacun luttant contre sa propre crispation dans un brouaha complet. On évolue là-dedans que si on est prèt à travailler obstinément de son côté, à toute heure du jour et de la nuit! Nous n'avons pas trop traînés à nous améliorer pour arriver à toucher au but par bribes. Lors du roulement, les rebonds des baguettes finissent par remplacer le "coup double" et on a facilement tendance à se laisser porter. Ce qui faisait de Schirren "le roi du roulement", c'est qu'il n'oubliait jamais son "coup double"!

Un autre exercice consistait à placer des accents tous les deux coups:

papa maman papa maman papa maman papa maman papa maman ...
ou tout les 3 coups:
papa  maman papa maman papa maman papa maman papa maman papa maman  papa maman papa maman papa ...

Inlassablement, Schirren rectifiait nos prises des baguettes, positions et nous accélérait de la voix, interrompait et repartait d'un autre début, d'une autre histoire.

 


Trouver le centre

 

Pour trouver où se passe en nous le roulement qui motive des "boum" et des "et", on s'est livré à un petit exercice:

Il nous demande de penser à "quelqu'un qu'on aime vraiment pas", "la personne qu'on déteste le plus au monde", puis d'avancer un bras et de serrer cette personne dans son poing, pour un peu se venger, là, dans les coins. Bon, voilà, tous reviennent de leur crispation haîneuse, qui peut même avoir fait office de défouloire et il nous propose de refaire exactement la même chose mais sans contracter son abdomen au niveau du plexus solaire, que dès qu'on sent qu'on s'y contracte, on se l'interdise. "Notez que vous n'y arriverai pas, vous ne pourrez pas vous décharger haîneusement sur la pire personne qui hante vos cauchemards si vous ne contractez pas "le centre". Ainsi vous pouvez-localiser le lieu où se passe le rythme en nous". Effectivement, on y coupe pas et il ne faut pas attendre plus d'une minute pour que tout le monde ait localisé le lieu en question. Le centre fait une chose, il ne fait qu'un chose ou plutôt deux seules choses: il roule ou il ne roule pas. Si ce qu'il fait est "ne pas rouler", alors il est relâché, mou, mais mou... très mou, tout est mou, comme c'est mou, que c'est mou que c'est mou...

Le mou est le terrain idéal pour qu'un évènement comme un "et" soit mis en valeur, pour qu'il ressorte tout en contraste. Dans le mou, un "boum" vécu par "le centre" est forcément un "et ...boum", ça a forçément roulé, ne fût-ce qu'un instant. Puis quand ça roule, ça roule! Ce roulement qui se passe en notre centre, mué par le rythme, doit s'exprimer au travers de notre corps et plus précisément, en l'occurence, à la pointe de nos baguettes. Nous en étions au tout début et dans l'apprentissage de tout ce qu'il y a de plus binaire, donc on exercait beaucoup de "et boum, et boum et encore boum ..." un roulement devait s'opérer entre le "et" et le "boum", comme un tour en son centre. C'est ainsi que bébé apprend à marcher: un pied en avant, l'autre pied en avant, allé, vas-y, tu vois que tu peux... puis au final il gambade, cours en dévallant les pentes sans même y penser. Ce tour en son centre est "le pas" pour qui se lance dans l'équitation mais peut devenir un rotor qui bafouerait volontiers les lois de la physique s'il fallait comparer ça à "la compétition hippique internationale", ce qui deviendrait complètement stupide!


 

PQ-SCHIRREN-web

Pendant l'été 91 les tambours coloniaux de Schirren ont été emmenés chez moi (sur le chantier) où

on a pu suivre quelques cours malgré la fermeture annuelle de l'école.

 

 

Après les vacances


En peu de temps, sa santé avait décliné d'un cran et il se déplaçait dorénavant systématiquement avec sa canne, sauf pendant les leçons. Parfois, emporté par son discours il était même amené à nous illustrer "la légèreté", moments pendant lesquels il s'élançait souriant dans les airs pour défier encore la pesanteur. Son sourire le portait au mépris de sa canne, ce pouvait être peu de temps après qu'il ait rechigné à nous montrer un rythme basique car trop épuisant mais là, là où l'avait conduit son développement, ça coulait de source et un courant le portait.

Le jeu de personnification tenait un rôle important. Les phrases rythmiques étaient typées, dotées d'un caractère: Il y avait par exemple l'aigü joyeux, débordant et un peu fou qui contrastait avec la basse abrutie, plutôt prognathique, saisie par ses propres coups... mais tout cela pouvait aussi bien être inversé ou puiser dans l'infinité des combinaisons de caractères pour peu que l'essence soit bien cernée et qu'on se sent apte à l'incarner.

À chaque instrument et chaque phrase musicale correspondait un archétype proto-humain à laisser s'exprimer. On était donc lors du travail de morceaux, un peu au cirque. On travaillait des morceaux dans la perspective de jouer pour un publique, comme si on y croyait, autant lui, Schirren que nous... Ces morceaux étaient des combinaisons de phrases vues précédement comme exercices et qui, pour l'occasion, s'articulaient entre-elles. C'étaient en quelque sorte ses compos qu'on interprétait et on avait sur le moment aucunement conscience de ce fait! Il empilait au tableau-papier nos différentes portées gauche/droite à chacun; bien emprunt de nos "personnage" et tentait d'orchestrer les entrées et sorties, tout en rectifiant nos positions, tenues des baguettes, etc.


Ici nous avons 6 minutes de cours captés au dictaphone par Alex.
Le son a été compressé et filtré pour distinguer la voix qui
apparaissait telle un murmure au loin dans la tempète:

 

http://www.4shared.com/audio/ek_9IBAW/cours_de_
Schirren-6min.html

 

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La promesse de fête que représentait "un concert futur" était supposée être un moteur, histoire que l'on se sente un but mais Schirren y voyait surtout, dans l'absolu, l'accomplissement ultime du batteur: la rencontre avec la danse, avec le publique et sûrement, avec tous les possibles... La dimension tribale de la fête est entre les mains des batteurs et il n'a pas tenté de minimiser la responsabilité à assumer face à la danse et à la réussite ou l'échec de la prestation. Les habitués des cours de djembé de Mamadi Keita se voyaient eux focalisés à l'extrême vers "l'animation" et, avec du recule, le travail de Schirren apparaît plutôt sérieux, à orientation "classique", on a pas gardé de trace de jam's et bœuf's où Fernand envoie la grosse sauce (?) Le créneau festif auquel il référait tenait plus de l'ethnologie en Centre-Afrique que de l'underground local et contemporain, il nous voyait plutôt au Bozar dans un évênement improbable...

 


Après les cours...

En un coup, c'était fini, Schirren donnerait ses cours à P.A.R.T.S et plus chez Lilian Lambert.
Philippe P., le même qui nous avait amené là, suivait des cours particuliers de piano et a encore continué mais très peu de temps. Schirren n'a finalement gardé que ses cours à l'école de Anne Teresa De Keersmaeker où il était amené en voiture et, je l'imagine, bichonné et, de plus en plus rarement, comme accompagnateur de "muets" au Musée du Cinéma où il avait déjà depuis longtemps marqué toute une génération de cinéphiles.

J'ai eu l'occasion de le féliciter pour son livre, une réelle réussite quant au rythme qui est vraiment le sien, but ultime pleinement accompli!

 
On s'est encore vu de temps en temps au marché (camion Coprosain. place Flagey les mardis et vendredi matin :) où on parlait suivant les méandres de son grand âge, car, s'il n'a pas comme on dit "perdu la boule", il s'est petit-à-petit tourné vers "l'essentiel" et le "basique", un peu comme si un flou dans la pensée laissait surtout des "zones" signifiantes mais plus trop les détails. Il y avait "l'ail", "L'ail c'est la vie!" dès qu'il entendait le mot "ail" même en plein milieu de sa phrase. Je ne sais pas si je dois laisser ici les derniers mots que nous avons échangés pour la dernière fois, quoique il m'ait vraiment fait marrer sur ce coup là!
Peu de temps avant Alex, ancien du cours, avait parlé avec lui en le croisant et m'avait raconté un moment de la conversation:

Comme Schirren se traînait finalement assez lentement avec sa canne et un sac de courses, Alex lui demande si il veut un coup de main ce à quoi il répond tout mou:

-" Eh oui, je suis au bout du rouleau, je sais plus trop ce que je fais là, je tombe en ruine, je suis bientôt parti..."

Alex: "Ah, mais c'est étonnant, dans le regard, il y a toujours cette même étincelle..."

et il iui dit en souriant : "Aah! mais ça, c'est autre-chose!"

Quand on a parlé pour la dernière fois, je demandais à Schirren
qui avait déjà arrêté tous ses cours et activités, s'il lui arrivait de jouer du piano ? comme ça, puisque son piano est là, d'avoir un élan vers un rythme? un p'tit roulement?
Il me dit:

- "Non, jamais! de toute façon,
je n'ai même jamais joué du piano par plaisir,
tout ça m'ennuye, même les percussions...
ça "a été" ...mais ça ne m'amuse plus,
ce n'est que du vent, composer, réfléchir!
Tout ça c'est du travail, pas du plaisir!

- Mais alors, que reste-t-il? il est où le plaisir?

 

- "Il y a une chose dans la vie,
une chose vraiment amusante:
Eh bien, c'est les seins des femmes!
Voilà quelque-chose:
les seins des femmes,
hi hi hi... !!!"

 

Et là je me suis dit que, bon sang, il est prêt "un peu en avance" pour la réincarnation!

Ne négligeons pas le fait qu'il était vraiment proche d'y passer et qu'il a traîné longtemps une certaine rancœur vis-à-vis de la gent féminine. C'est sans savoir si, l'âge aidant, tout se brouille au point de redevenir un gamin à la cours de récré? ou directement connecté à son cerveau reptilien sans que rien de rationnel n'entrave une simple programmation biologique immanente à l'humanité? Bref, il soignait par l'habitude son alimentation, ce qui représentait le gros de son quotidien ralenti et se retrouvait là, un peu penaud, dans un monde qui ne cesse de s'accélerer et où j'étais une sorte d'interlocuteur symbolique à la limite de l'abstraction. 

 

* Si vous trouvez qu'il est déplacé de citer ce passage en le publiant de la sorte, faite-le savoir via cette page ou par mail à dj.p[a]mail.com et j'aviserai en fonction... 

 

Il a fini par se faire hospitaliser et j'ai appris son décès bien plus tard. Il voyait depuis un temps venir la mort avec sérénité, animé, même, par une certaine curiosité et un profond désir de repos.

 

Schirren ne nous a dans ses cours jamais mentionné de "dieu" autrement qu'à titre d'exemple, il n'était pas croyant bien que se sachant baigné dans une forme de divin. Croire en certains mythes selon son bon vouloir mais pas en tous. Et surtout, laisser sa place au mystère avec pour le citer:


"Au pire, la mort, c'est le néant. Alors pourquoi s'inquiéter? Le néant n'est par définition 'rien'. Il n'y adonc aucune raison de s'affoler devant 'rien'! Puis, après, y faut voir... on ne sait pas..."

 

Après, c'est la grande impro en quelque sorte? ou pas d'impro et directement au dodo!


 

 

Post-machin

 

Notre groupe de percussions avait encore un peu continué après la fin des cours mais sans vraiment y référer, on était des fichus gamins (plus si jeunes d'ailleurs) qui ne pensent qu'à jouer. J'ai personnellement gardé "les percus" comme activité récréative et ai plutôt essayé de me perfectionner au clavier et à la guitare (ouais, bon, ça a raté mais soit...) De fil en aiguille, j'ai pratiquement oublié ces cours avec Schirren... C'est en 2009, alors que je jouais des rythmes dans C74 qu'en me demandant si j'avais une formation particulière, un interlocuteur m'y a fait repenser de façon plus pragmatique. Pour fêter ça, j'ai recommencé à pratiquer quelques exercices, me disant que je n'avais pas exploité au mieux un potentiel qui m'était aquis depuis ces cours, ce qui n'a pas empêché C74 de se casser la figure pour des raisons toutes autres que la mollesse de mes roulements! Près d'un an plus tard, un pote m'a demandé si j'avais entendu parler de "cet allumé qui avait bossé avec Béjart" et de son bouquin. C'est là que, voulant l'aiguiller sur le net, je me rendais compte d'un grand vide quant aux traces significatives. Les documents que j'avais accumulé me semblaient soudain indispensables à diffuser.

Ces cours de rythmes et plus précisement de "percussions classiques" m'avaient en réalité plus fortement imprégné que je ne m'en serais douté, surtout dans le domaine du mouvement et de la danse où, sans ne rien chercher de démonstratif, j'incarne, depuis lors, pleinement "les roulements en mon centre" dans un jeu avec/contre la pesanteur qui me fait un grand bien! Un enseignement intégré, puis oublié qui s'active automatiquement ou pas selon les pulsations sonores... j'avais oublié d'où ça me sortait!

Merci pour tout Schirren !!!
J'espère que tu as trouvé ce que tu cherchais et que l'après-vie n'est, pour toi, pas remplie de piano!

 

 

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Schirren-12cm-

 


 

 
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